Vers une nouvelle masculinité en publicité : pourquoi et comment les marques doivent s’adapter

Depuis plusieurs années, les annonceurs ont pris conscience de l’importance de la diversité et de l’inclusivité dans la publicité, notamment en ce qui concerne la représentation des femmes. Des campagnes remettant en question les stéréotypes féminins – comme Always #LikeAGirl, Dove Real Beauty ou encore Nike Dream Crazier – ont marqué un tournant dans la communication des marques.
Mais qu’en est-il des hommes ?
Si la publicité a évolué sur certains fronts, elle reste encore largement enfermée dans des représentations masculines traditionnelles. D’un côté, on retrouve l’homme viril, stoïque, peu expressif, souvent axé sur la performance ou la domination. De l’autre, l’homme maladroit et incompétent, incapable de gérer une situation sans l’aide de sa compagne. Ces clichés sont non seulement réducteurs, mais ils sont aussi de moins en moins alignés avec les attentes du public.
L’impact de la représentation masculine sur l’efficacité publicitaire
Les données issues de l’Ipsos GEM Index (Gender Equality Measure Index) sont sans appel : la manière dont les hommes sont représentés influence directement la performance des campagnes publicitaires. Une étude portant sur plus de 2 000 publicités mettant en scène des hommes a révélé que celles qui adoptaient une représentation positive de la masculinité étaient :
37 % plus efficaces sur les ventes
38 % plus performantes sur le gain de parts de marché
Ces résultats montrent que la représentation des hommes dans la publicité n’est pas qu’un enjeu de société, mais aussi un levier stratégique pour les marques.
D’autant que le contexte évolue rapidement : les générations Y et Z, aujourd’hui cœur de cible de nombreuses marques, attendent une authenticité accrue et une diversité réelle dans les contenus qu’ils consomment. Ils sont plus enclins à rejeter des publicités qui perpétuent des clichés dépassés sur le masculin et le féminin.
Comment définir une représentation masculine positive ?
Contrairement à certaines idées reçues, il ne s’agit pas de faire de la publicité un terrain d’activisme ou de “féminiser” la masculinité, mais plutôt de proposer des modèles plus variés et nuancés. Ipsos identifie deux grands archétypes qui se détachent des stéréotypes classiques et rencontrent un fort taux d’adhésion du public :
Les pères engagés
Ils sont impliqués dans l’éducation et le bien-être de leurs enfants.
Exemples : McCain (We Are Family), IKEA (The Wonderful Everyday).
Ils montrent leurs émotions, participent pleinement à la vie sociale et familiale.
Exemples : la campagne Gillette – The Best Men Can Be, qui encourage une masculinité plus responsable.
Ces représentations contribuent à créer des campagnes plus efficaces, car elles résonnent avec les valeurs sociétales actuelles et offrent aux consommateurs une identification plus forte.
Pourquoi les marques doivent-elles s’adapter dès maintenant ?
La montée du mouvement “bro-fication”, qui valorise une masculinité ultra-traditionnelle, montre bien que les représentations masculines sont devenues un enjeu culturel et sociétal. Certaines voix s’élèvent contre les évolutions perçues comme une remise en question de l’identité masculine traditionnelle, ce qui rend la question d’autant plus sensible pour les marques.
Or, comme l’explique Shilpa Saul, de l’agence The Unmistakables, ces dynamiques ne concernent pas uniquement le débat public : elles impactent directement les marques en termes d’image, de perception de l’équité de marque et de fidélité des consommateurs. Les entreprises doivent donc être conscientes de l’effet de leurs communications sur leur audience.
Comment intégrer une représentation masculine positive sans tomber dans le marketing opportuniste ?
Les marques n’ont pas besoin de se positionner comme militantes pour changer la donne. Cependant, elles peuvent intégrer des bonnes pratiques qui éviteront de renforcer des stéréotypes :
S’interroger sur les codes visuels et narratifs
Éviter les hommes inexpressifs, absents émotionnellement ou réduits à des rôles caricaturaux.
Valoriser des modèles de masculinité diversifiésMontrer des hommes engagés dans leur rôle de père, d’ami, de partenaire, et pas seulement comme des figures de puissance ou de performance.
Aligner le message avec l’ADN de la marque
Une représentation positive doit être authentique et en cohérence avec les valeurs de l’entreprise. Ne pas forcer un discours militant si ce n’est pas crédible
Il ne s’agit pas de forcer un message d’inclusivité à tout prix, mais d’éviter d’entretenir des clichés dépassés.
Vers une publicité plus efficace et plus en phase avec la société
Le sujet de la masculinité en publicité est encore récent, mais il est appelé à prendre de l’ampleur. À l’instar de la transformation des représentations féminines, une approche plus équilibrée de la masculinité pourrait offrir aux marques un levier puissant d’engagement et de différenciation.
Si l’évolution peut sembler subtile, elle a un impact direct sur l’efficacité publicitaire, et surtout, sur la manière dont les consommateurs perçoivent et interagissent avec les marques. Un homme souriant, aimant, expressif et engagé sera toujours plus proche des réalités de la vie quotidienne que l’homme distant et figé des anciennes campagnes.
La question n’est donc pas de savoir si les marques doivent prendre ce virage, mais quand et comment elles vont le faire.
Pourquoi est-ce important ?
Il y a une volonté de changer la façon dont les femmes sont représentées dans la publicité, mais Samira Brophy d’Ipsos note que le marketing est coupable de renforcer les stéréotypes masculins autant que féminins. Cela n’a guère de sens en termes d’efficacité : les publicités mettant en scène des hommes sans expression ou peu impliqués ont obtenu de mauvais résultats dans l’indice Ipsos.
Les marques pourraient également réfléchir à la manière dont ces stéréotypes jouent un rôle dans la montée de la « bro-fication ». Shilpa Saul, de The Unmistakables, affirme que l’attaque contre les initiatives en faveur de l’égalité des sexes et de la diversité et les appels à l’« énergie masculine » ne sont pas seulement des questions sociales : pour les spécialistes du marketing et les marques, « ils sont directement liés à la valeur de la marque, à la confiance des consommateurs et à la manière dont les entreprises choisissent de se présenter au monde ».
En résumé :
Les marques n’ont pas à être activistes, mais elles peuvent au moins ne pas nuire, suggère Ipsos. Elles peuvent envisager de normaliser l’empathie en tant que qualité aspiratoire pour les hommes. Les représentations masculines positives doivent être étayées par les principes de la marque et le ton de la voix.